Une vie au service de son pays et des producteurs

AGRICULTURAL
Salif Kante

 

Notre directeur malien Salif Kanté prend sa retraite

EN

« J’ai toujours fait le choix de rester et de servir mon pays ». C’est la forte conviction qui a animée Salif Kanté, notre Directeur au Mali, qui feuillette avec nous son album souvenirs. Passion, sacerdoce, engagement ont guidé 33 années d’une riche carrière professionnelle d’abord à l’Institut d’Economie Rurale du Mali (IER) comme chercheur avant de rejoindre la Fondation Syngenta comme coordonnateur de projet et pour finir comme Directeur pays. Fin janvier, il prend sa retraite. 

Rien ne prédestinait ce natif de Toukoto, un village malien qui était prospère dans le commerce, dans le Cercle de Kita, à embrasser une carrière de chercheur agronome. « A la fin du lycée, je pensais étudier la médecine. Durant mes vacances au Sénégal, un oncle a eu un accident. Durant son hospitalisation, j’ai pu observer le travail inlassable et exigeant des médecins. Alors je me suis posé la question suivante: serai-je un brillant et patient médecin ? J’ai beaucoup réfléchi à la réponse. Cela m’a fait changer d’avis et j’ai finalement opté pour l’agronomie, surtout que j’avais bénéficié d’une bourse pour la Russie ». Brillant étudiant, Salif décroche son diplôme en agrochimie-pédologie après cinq ans de formation à l’Académie Agricole Timiriazev de Moscou. Le climat rude et la barrière linguistique n’ont pas réussi à entamer sa détermination, sa motivation, son dynamisme et sa volonté d’exceller. 

De retour au Mali, Salif pense d’abord à s’installer à son propre compte. « Fils de commerçant, je voulais me lancer dans l’entreprenariat agricole. J’avais acquis quelques équipements agricoles, motopompes, couveuses, etc. Jeune sans expérience, sans appui conseil, j’ai été vite confronté aux réalités du terrain, notamment aux difficultés d’accès à la terre ». Salif ne se décourage pas pour autant. Il se lance dans le commerce de céréales, cuirs, peaux et tenues vestimentaires dans les foires hebdomadaires au Mali et Sénégal pour subvenir à ses besoins, tout en se lançant dans une recherche d’emploi.

J’ai été informé d’une position de stage de quatre mois à l’IER. Sans hésiter j’ai rejoint en 1990 le monde de la recherche. Avant la fin du stage, la chef du projet qui partait m’a recommandé pour finaliser le rapport sur lequel nous travaillions. Alors que j’étais encore stagiaire, on m’a confié la lourde responsabilité de préparer le rapport de projet. Comme ça j’ai eu à rédiger ma première publication scientifique qui portait sur l’influence de l’ombrage du néré (Parkia biglobosa) et karité (Vitellaria paradoxa) sur le coton, mil et maïs. A la fin de mon stage, on m’a proposé un contrat de travail à l’IER. J’étais même obligé de décliner une proposition de bourse russe de doctorat. Ainsi débute une longue carrière professionnelle de 15 ans à l’IER comme agronome puis responsable de la discipline agronomique. 

J’ai beaucoup aimé mon travail et j’ai eu la chance de travailler avec une équipe jeune, dynamique et mixte (malienne et néerlandaise). Spécialiste en gestion de la fertilité des sols, j’avais réussi à constituer sur cinq ans une base de données bien structurée et très riche en informations ». Grâce à ce travail remarquable, il bénéficie en 1999 d’une bourse en alternance entre le Mali et les Pays-Bas pour un PhD dans la réputée université de Wageningen. Après l’obtention de son diplôme en 2001, il décide de retourner sans hésiter dans son pays et à l’IER. Je peux aller étudier à l’extérieur pour acquérir des connaissances et des compétences- Mais ma finalité est de rester travailler pour mon pays. 

En 2006, Salif rejoint la Fondation Syngenta, comme coordonnateur du Projet de Renforcement des Capacités pour une Agriculture Durable (PRECAD. En 2013, il est affecté comme agronome régional du programme Riz qui couvrait le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire, le Ghana, le Mali et le Sénégal. « J’ai eu à assurer la formation des agents, des partenaires et producteurs sur le terrain aux bonnes pratiques agricoles et à développer avec des partenaires des protocoles techniques depuis la production jusqu’à la transformation », rappelle Salif qui a toujours fait preuve de leadership depuis tout jeune.  « J’ai toujours eu la confiance des collègues. A douze, j’étais chef de groupe et président de club. Avec mon groupe d’amis, quand on venait à la maison on vidait la jarre de ma tante », se souvient-il avec un air nostalgique.

En 2018, Salif se voit confier la direction de notre bureau à Bamako. 

Je n’ai pas senti le poids des 18 années passées à la Fondation, grâce à mon amour pour les contacts avec les producteurs et partenaires. Sur le terrain, on ne peut me différencier des agriculteurs. J’aime marcher dans les parcelles de riz, tomber et me relever. 

Grand-père, entouré de ses petits-enfants, Salif a une nouvelle vie qui s’ouvre à lui. Mais il ne s’éloignera pas du monde agricole. Il compte bien continuer à vivre sa passion. Et si vous passez à son pays, Salif vous invite à venir vous régaler des bon petits plats Maliens qu’il affectionne tant.

 

Questions à Salif Kanté

Après 33 années d’une riche carrière, Salif Kanté jette un regard sur la situation de l’agriculture dans son pays. Il revient également sur les moments forts de sa carrière à la Fondation tout en prodiguant des conseils aux jeunes.

 

Quels sont les grandes avancées de l’agriculture malienne ?

Mes 33 années d’expérience m’ont donné lieu de constater qu’il y a eu des progrès remarquables. Ça se voit en termes de rendements agricoles, d’augmentation de la production de riz, maïs, coton, sorgho, ainsi que la création de nouvelles variétés issues de la recherche. Il y a aussi une plus grande organisation des producteurs en coopératives, unions et interprofessions et un fort engagement de l’Etat à travers des subventions pour un meilleur accès aux intrants de qualité.

 

Quels sont les plus grands défis qu’il faudrait relever ?

La sécurité alimentaire reste l’un des plus grands défis. Bien que la production agricole ait augmenté, la croissance de la population reste encore plus élevée. Nous devons subvenir aux besoins de la population pour qu’elle mange à sa faim. Il y va de la stabilité du pays. Nous devons investir davantage dans la transformation des produits agricoles afin de favoriser la création d’emplois et résorber le chômage des jeunes. Nous avons besoin d’un engagement politique encore plus fort pour faire de l’agriculture un moteur de croissance et du développement.

 

Quelles sont les réalisations dont tu es le plus fier à la Fondation Syngenta ?

J’ai débuté à la Fondation en 2006 comme coordonnateur du Projet de Renforcement des Capacités pour une Agriculture Durable (PRECAD). J’étais le seul à tout faire. Je faisais alors office de formateur, animateur, comptable et chauffeur. Le projet couvrait 99 villages. Ma stratégie consistait à collaborer avec les structures de vulgarisation de l’Etat et à développer une approche « cluster » pour regrouper les villages. Pour la diffusion des technologies auprès des producteurs, j’ai mis en place des équipes villageoises de jeunes hommes et femmes formés. Après six mois, nous avions procédé à une évaluation pour constater que le projet dépendait fortement du coordonnateur ! Nous avons alors recruté un financier puis des spécialistes en agronomie et microfinance. Nous avons mis en place une équipe dynamique et soudée. 

Je suis très fier de ce que nous avons pu réaliser en six ans. De zéro coopérative, nous avons réussi à mettre sur pied 12 coopératives sur les céréales, 11 sur le sésame, six sur le lait, deux sur les semences et deux sur les pépinières. On a aussi établi trois unions communales de coopératives. Nous avons également construit des magasins de stockage et des parcs de vaccination. 3000 femmes ont bénéficié du projet à travers les formations, l’alphabétisation fonctionnelle et l’accès au crédit. Les femmes formées gèrent présentement les petites caisses villageoises de crédit. Des années après la fin de ce projet, l’impact reste visible. J’ai même reçu une lettre de félicitations du Directeur de la Fondation Syngenta. 

 

En tant que manager, quels sont tes conseils pour la gestion des équipes ?

Les conseils que je donnerai est d’être à l’écoute des gens, d’accepter les différences, d’être patient, d’être exemplaire et tout cela dans le plus grand respect.

 

En tant que grand-père, quel sera le plus bel aspect de ta retraite ?

Après 33 ans de carrière, je vais revenir à mon projet initial qui était de me mettre à mon propre compte. Je vais m’adonner à l’agriculture avec la culture d’agrumes, culture maraichère, l’élevage de petits ruminants et l’aviculture. Je vais aussi me consacrer à mes petits-enfants et continuer à conseiller les jeunes. 

 

Et un dernier mot…

Je ne peux terminer sans remercier tout le personnel de la Fondation pour leur soutien indéfectible et le respect à mon endroit. Je demande pardon à tous ceux que j’ai offensés sans le vouloir et je souhaite bon vent à tous pour plus de réussite.